De 2003 à 2006... monochromes
Ces restes d’aujourd’hui s’accumulant aux restes d’hier nourriront-ils l’histoire de demain ?...
Depuis 2003, le sujet de mes peintures est la ville baignant dans une ambiance monochrome. Façades, portes, multitudes de fenêtres, salons sur cour, chambres béantes, cuisines aux éviers accrochés aux murs lézardés ; tout n’est qu’équilibre précaire, instabilité permanente dans l’attente d’autre chose avec le sol jonché d’objets sans noms. Plus profond dans l’édifice, c’est un vrai labyrinthe de couloirs tapissés de portes menant à des pièces ; des pièces se succédant à l’infini. Des pièces perdues, oubliées, poussiéreuses, sentant presque le moisi. Mais, là aussi, se tapit la vie. J’ai nommé ces peintures " les Babylone " nom emprunté à cette cité antique, maintes fois détruite puis reconstruite, composée à présent de strates qui se mélangent. C’est cette Babylone qui m’a interpellée quand j’ai commencé à peindre mes premiers tableaux monochromes, abandonnant toutes couleurs pour m’exprimer. Je m’interroge sur notre mémoire, nos actions, notre devenir, sur ces petites choses qui nous semblent primordiales à notre existence sur le moment et qui un jour tombent dans l’oubli, ne devenant plus rien, n’ayant plus de nom ni d’identité. Quelle énergie dépensée pour paraître dans notre société. Ce sont pourtant ces petites choses qui restent après notre disparition de cette terre ; comme une pierre, un livre, un objet quelconque.
Technique pour les « Babylones » monochromes. Beaucoup de temps, de passion, de sensibilité et de curiosité pour affiner ma technique et affûter mon regard sur le monde. Se raconter, raconter les autres et agir comme un papier buvard puis avoir le courage d’exprimer sur papier ou autres supports le résultat de cette alchimie. Construction, destruction puis reconstruction à l’acrylique sur support isorel. Proche de la technique de l’aquarelle ; le fond clair, peint sur le support, sera préservé pour restituer la lumière et la couleur sombre viendra en rajout pour donner une illusion de relief. Le support en isorel est en accord total avec le sujet de ma peinture car lui aussi est stratifié. De plus, on l’utilise pour les fonds d’armoire ou de tiroir (zones de stockage de notre apparence et d’accumulation de choses diverses).
De 2006 à 2009... introduction de la couleur
Nous devons composer avec l’existant et extirper le meilleur de nous-mêmes...
En 2006 une métamorphose s’est opérée dans la réalisation de ma peinture monochrome avec l’introduction de la couleur. Je n’abandonne pas pour autant mon écriture picturale monochrome qui m’aide à poser la base de mon expression artistique. Avec l’intervention de la couleur, j’ai pu analyser différemment ma démarche. En produisant des dissonances avec les teintes et en les organisant, cela m’a permis de concevoir une certaine harmonie dans cette accumulation d’éléments hétéroclites que j’entreprends de structurer ; je l’appelle " esthétisme dans la décadence ". L’élaboration de l’oeuvre fait évoluer la valeur des couleurs, j’essaie de ne pas trahir le fond de mes pensées par des effets colorés inadaptés. Ces nuances m’aident à construire mes idées et développer une recherche sur le déséquilibre, l’instabilité, la fragilité de tout état que l’on suppose stable dans un monde cultivant l’illusion. Je construits, détruis puis compose avec ces vestiges disséminés sur ma surface de travail. Récupération d’éléments pour poser les fondations de notre futur, c’est un peu ce que nous vivons actuellement. Nous devons composer avec l’existant et extirper le meilleur de nous-mêmes comme matière au service de l’âme humaine... Pour ma part, cette quête d’harmonie dans le compromis est complexe mais nécessaire pour ne pas sombrer dans le néant.
De 2009 à 2011... dilution et mutation
Ces lianes du temps emprisonnent inexorablement notre présent...
Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. Victor Hugo, Notre-Dame de Paris.
... dilution De l’obscur vers la lumière, du monochrome vers la couleur, de l’accumulation vers la dilution ; toutes ces étapes résument mon travail. À présent apparaissent dans mes œuvres des lianes. Ces lianes du temps emprisonnent inexorablement notre présent pour lui faire subir une lente mutation, elles enlacent lentement les quelques fragments encore identifiables de nos cités les conduisant vers l’origine d’une nouvelle mémoire. Mes œuvres évoluent lentement, en toute logique naturelle.
… mutation. Un monde en pleine transformation pour un ailleurs pas vraiment meilleur...différent. Les constructions vacillent dangereusement. Dans les décombres émergent des êtres en mutation.
De 2011 à 2015... évolution
Le bestiaire a vu le jour...
C’est en décembre 2011, suite à une visite à l’atelier de lithographie d’Alain Hurstel que mon travail de peintre va subir un changement.Je suis revenue de cette visite complètement enthousiasmée. J’ai entrevu dans cette pratique de nouvelles pistes à explorer, un nouveau moyen d’enrichir mon travail. Déjà courant 2011, des êtres en mutation étaient apparus dans mes peintures. Mais c’est en pensant à la technique de la " manière noire lithographique " que j’ai réalisé trois œuvres à l’acrylique sur toile sur ces êtres en mutation de décembre 2011 à janvier 2012 ; le bestiaire a vu le jour.
De 2015 à aujourd'hui... adaptation
Pour résumer...
Le sujet de mes peintures est la ville où tout n’est qu’équilibre précaire, instabilité permanente. Je construis, détruis puis je reconstruis mes citées, de l’obscur vers la lumière, du monochrome vers la couleur, de l’accumulation vers la dilution et la mutation, de l’évolution à l’adaptation ; toutes ces étapes résument mon travail. Depuis peu, j’explore ce qui m’entoure, j’interroge les éléments de notre quotidien avec l’idée de construire un état des lieux de notre société. Nous vivons un monde en pleine transformation menant notre chemin vers un ailleurs pas vraiment meilleur... différent…